Le peuple grec refuse le super-plan d’austérité que veulent lui infliger l’Union européenne et le Fonds monétaire
international. Les manifestations et les grèves se succèdent. Le traitement imposé par les « docteurs » de la
Commission et de Washington menace d’emporter le malade. Le plan de 110 milliards d’euros de crédits sur trois
ans est assorti en effet de coupes dans les salaires des fonctionnaires, dans les investissements publics, dans
les pensions. Dans le seul secteur public, le syndicat Adedy évalue à 30 %, en moyenne, la perte de pouvoir
d’achat que vont subir les salariés. Plusieurs primes, une partie des congés payés, tout serait passé à la moulinette
du super-plan d’austérité. Le « socialiste » Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, l’a présenté
comme le seul moyen pour la Grèce de retrouver sa crédibilité auprès des marchés financiers. La Banque centrale
européenne vante, quant à elle, les politiques de « consolidation budgétaire déflationniste ». Déflation signifie
une baisse sensible des prix et des salaires souhaitée par les marchés.
Pour les progressistes européens, un peuple est en danger. Mais il y a plus. Des mesures comparables à celles
infligées aux Grecs sont entamées au Portugal, en Espagne, en Irlande. En Belgique, la même salade sur la
« nécessaire austérité » nous est servie depuis des années. En Allemagne un nouveau rationnement des dépenses
publiques est programmé. C’est dire combien la solidarité à l’égard des Grecs concerne l’ensemble des peuples
européens.
Tous Grecs !
L’entreprise Europe libérale connaît la crise. Pas la solidarité. Depuis des années, ses dirigeants et ses institutions
mènent une opération systématique de sape des conquêtes sociales et démocratiques.
Aujourd’hui, la situation catastrophique que vit la Grèce leur est prétexte pour tenter d’imposer de nouveaux tours
de vis aux peuples. On sait que la haute finance mondialisée a aidé le gouvernement hellène à camoufler
l’ampleur de sa dette publique. Désormais, le pays est l’otage des agences de notation privées qui lui imposent
des taux d’intérêts intenables. Seuls, les spéculateurs sont à la fête. Et voilà que le Fonds monétaire international
s’apprête à rentrer à son tour dans la danse en appelant avec la Banque centrale européenne, l’Allemagne et
leurs compères hypocrites des autres capitales à un durcissement de la politique d’austérité.
A la clé ? Dérégulation sociale, privatisations, réduction des salaires, hausse du coût de la vie. Voilà ce que le
gouvernement d’Athènes, mis sous la tutelle de l’Union Européenne, est censé faire en vertu du « plan de soutien
» dicté par les 27, le 25 mars. « Suffit ! » disent les syndicats et les partis de gauche grecs. Leur combat est
le nôtre. Déjà, on annonce des lendemains qui déchantent aux Espagnols, aux Portugais, aux Italiens. Et puis,
aux Français, aux Belges pris dans une crise politique surréaliste.
Pour sauver un euro que Berlin voudrait gérer comme le mark, il faudrait « assommer » les peuples ? Cette fuite
en avant ne calme même pas le scepticisme des marchés. La Commission européenne prévoit pour la Grèce un
recul de 3 % du produit intérieur brut cette année.
Devant le Bundestag, Angela Merkel a déclaré vouloir imposer un contrôle accru de la discipline budgétaire des
membres de la zone euro et des sanctions plus strictes et s’est prononcée pour une réforme des traités. Dans une interview au journal le Monde, la ministre française, Christine Lagarde, s’est également prononcée en faveur
d’une modification de « la régulation et la gouvernance économique de la zone euro ».
Le peuple grec est au bord de la rupture. « Une grande guerre » comme l’a dit une syndicaliste ? Mais ce conflit a
été déclenché par les marchés et les banques. Un pays est en résistance, et pas seulement en Grèce.
Mikis Theodorakis : « Veut-on nous supprimer comme peuple ? » [1]
Avec l’esprit commun dont je dispose, je ne peux expliquer, et moins encore justifier, la vitesse à laquelle notre
pays a dégringolé de son niveau de 2009 à un point tel que nous soyons obligés de lâcher une partie de notre
souveraineté nationale au FMI et d’être mis sous tutelle. Et il est très étrange que, jusqu’à présent, personne ne
se soit occupé de la chose la plus simple, c’est-à-dire notre chemin économique, en s’appuyant sur des chiffres
et des faits, afin que nous, ignorants, puissions comprendre ce changement inédit et vertigineux qui a pour résultat
la perte de notre indépendance et, en même temps, notre humiliation internationale.
J’entends parler d’une dette de 360 milliards mais, en même temps, d’autres pays ont la même dette et même
des dettes plus importantes. Par conséquent, je me dis que cela ne peut être la raison de notre mauvaise fortune.
En outre, je suis aussi troublé par cet élément d’exagération que constituent les coups internationaux dirigés
contre notre pays avec une coordination fortement concertée. J’en arrive à la conclusion que certains nous ont
fait honte et nous ont fait peur pour nous conduire au FMI, principal outil de la politique expansionniste des États-
Unis. Tout le reste concernant la solidarité européenne n’était que de la poudre aux yeux, afin que cette initiative
n’apparaisse pas clairement américaine, visant à nous conduire dans une crise fortement factice, pour faire peur
à notre peuple, pour qu’il s’appauvrisse, pour qu’il perde des conquêtes précieuses, afin de le mettre à genoux en
acceptant qu’il soit gouverné par des étrangers. Mais pourquoi ? Pour servir quels desseins, quelles visées ?
Je soupçonne que derrière tout cela se cache la politique américaine, avec des desseins suspects quant à notre
espace géographique, les richesses pétrolières sous-marines, le régime de Chypre, la mer Égée, nos voisins du
Nord et l’attitude arrogante de la Turquie ; des plans qui, pour l’instant, n’ont été détectés que par la prudence et
l’opposition grecques.
Tous autour de nous ont déjà plus au moins sauté dans le char USA. La seule voix discordante, c’est nous qui,
depuis l’imposition de la junte et la perte de 40 % de Chypre, jusqu’aux embrassades américaines avec la Fyrom
et les nationalistes albanais, recevons continuellement des coups et continuons à ne pas devenir « logiques » et
soumis.
Il faudrait par conséquent nous supprimer comme peuple et c’est exactement ce qui arrive maintenant. Et j’en
appelle aux économistes, politiques, analystes, pour qu’ils me prouvent que c’est faux. Je crois qu’il n’y a pas
d’autre explication convenable, excepté qu’il n’ait existé un complot international auquel participaient des Européens
pro-américains, comme Merkel, la Banque centrale européenne, la presse réactionnaire internationale,
qui, tous ensemble, complotaient pour le « grand coup », la vassalisation de notre nation libre. Enfin, moi, je ne
peux donner d’autres explications. Je conviens toutefois que je ne dispose pas de connaissances spécifiques
mais fonde mon discours sur le sens commun. Peut-être que beaucoup d’autres pensent comme moi, ce que
nous verrons dans les prochains jours.
De toute façon, je voudrais prévenir l’opinion publique et mettre en évidence que si mon analyse est juste, alors
la crise économique (qui, comme j’ai dit, nous a été imposée) n’est rien d’autre que la première gorgée amère
d’un festin somptueux qui affectera, cette fois, tous les enjeux vitaux pour la nation et dont je ne veux même pas
imaginer où ils nous conduiront. J’espère que j’ai tort.