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Les mythes de la réforme du capitalisme… le G20 accouchera d’une souris

par Maurice Magis, avril 2009

Le chômage monte en flèche partout en Europe. La récession s’annonce plus lourde que prévue. La Confédération européenne des syndicats mobilise. Des chiffres à donner le tournis. Selon Eurostat, l’office statistique européen, 650 000 personnes ont perdu leur travail au quatrième semestre de l’an dernier dans l’UE. José-Manuel Barroso, a admis : « La moyenne européenne (du chômage) devrait être de 10 % dans l’UE en 2010. » Une augmentation qui touche toute l’Europe.

Les mythes de la réforme du capitalisme… le G20 accouchera d’une souris
Analyse parue dans le Journal du mardi du 7 avril 2009.

Le président Obama semble avoir déjà quelques soucis à se faire. Il a dû aussi répondre à une indignation qui déborde de toutes parts : alors que la grande compagnie d’assurances AIG a touché 180 milliards de dollars d’aides de l’Etat, 298 cadres de la division des produits financiers ont eu droit à un bonus de plus de 100 000 dollars et 73 d’entre eux ont perçu plus d’un million chacun. M. Obama avait beaucoup joué sur le fait qu’il avait « hérité » de la pire situation économique depuis la grande dépression de l’entre-deux guerres. Avec cette affaire, la responsabilité de son administration est, pour la première fois, mise en cause.

Il ne s’agit toutefois pas d’un cas isolé. Alors que la crise ne cesse de s’aggraver, les contribuables en font les frais sans le moindre effet retour prévisible. Au contraire. Toujours aux Etats-Unis, la banque d’investissement Goldman Sachs a reçu 10 milliards de dollars de l’Etat. La société a aussi vite distribué près de 11 milliards de dollars de bonus.

On comprend la colère des Américains confrontés à d’immenses difficultés. La rogne ne saurait être moins grande en Europe face à l’avidité et au mépris sans limites du grand capital. En France, les dirigeants de la Société Générale ont dû accepter de renoncer à 320 000 stocks-options convertibles en actions… tant que l’établissement continuerait à bénéficier de l’aide de l’Etat, qui lui a déjà prêté 1,7 milliard d’euros.

Plus que des protestations, il s’agit maintenant de pressions ouvertes sur les gouvernements. En Belgique, le précédent gouvernement a dû démissionner suite à la débâcle financière dans l’affaire Fortis dont le nouvel exécutif a confirmé qu’il passera la note aux citoyens. En Islande, la « révolution des casseroles » a poussé le Premier ministre Geir H. Haarde à la démission, alors que son pays est au bord de la faillite.

La grogne monte

En France, des millions de personnes ont défilé en janvier et en mars. La grogne monte gentiment, sans heurts majeurs, pour le moment. La Guadeloupe a été paralysée par une grève générale durant des semaines, et la Martinique a suivi.

Au Royaume-Uni, les employés d’une raffinerie de la compagnie Total, qui additionne les profits, ont déclenché des grèves « sauvages » pour protester contre la concurrence des ouvriers italiens et portugais. Le mouvement est populaire et s’est étendu à d’autres secteurs : terminaux gaziers, centrales électriques. La récession et la hausse historique du chômage ne risquent pas de rassurer les britanniques qui craignent une évolution à l’« islandaise ».

Où l’on découvre aussi que le miracle irlandais était en fait un mirage : Une récession de 4% est attendue en 2009. L’Espagne subit une hausse inouïe du chômage.

En Grèce, aux émeutes de décembre ont succédé des manifestations d’agriculteurs, qui ont bloqué les routes et les postes frontières avec la Bulgarie. Les affrontements avec la police ont été violents.

L’Europe de l’Est vit aussi l’agitation sociale : la Lettonie est en proie à des manifestations de plus en plus violentes. Le ministère de l’Agriculture a dû démissionner suite aux manifestations des paysans. En Lituanie, les manifestations dégénèrent systématiquement en affrontements avec les forces de l’ordre. La Hongrie, où les fonctionnaires ont subi une baisse de leurs salaires, et la Bulgarie ne sont pas en reste.

« L’agitation sociale pourrait survenir dans de nombreux endroits y compris dans les économies avancées » affirmait Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire internationale, en décembre dernier. Les faits lui donnent incontestablement raison. Dans la rue, dans les entreprises, la colère le dispute à l’indignation. Ajoutez à cela un tiers de désespérance sociale et vous obtenez un cocktail potentiellement détonnant.

L’économie minée

Et l’on ne voit pas le bout du tunnel. Moins de deux mois après la publication de ses précédentes prévisions, le FMI a annoncé une nouvelle contraction du PIB mondial comprise entre 0,5 % et 1 %. Les économies avancées devraient connaître une « profonde récession », avec un recul de 3,0 % à 3,5 % de leur PIB.

Aux Etats-Unis, cette contraction serait de 2,6 %, et au Japon de 5,8 %. Ces deux pays courent « un risque élevé » de déflation, selon le FMI. En zone euro, ce risque est « modéré », mais le PIB perdrait 3,2 %.

Dans les pays émergents et en développement, la prévision de croissance a été également abaissée, et cette croissance ne serait plus que de 1,5 % à 2,5 %.

« L’activité économique mondiale chute, avec des économies mondiales affichant la baisse la plus forte de l’après-guerre, en dépit d’efforts publics énergiques », a constaté le FMI, « l’allongement de la crise financière a miné l’activité économique mondiale au-delà de ce qui avait été anticipé ».

Le Fonds a estimé que les Etats n’en ont pas fait assez face à cette récession.

Et en Belgique ?

En février, 789 entreprises ont été déclarées en faillite, essentiellement dans les secteurs de l’industrie, de la construction, de l’Horeca, du commerce et des transports. Il s’agit des chiffres les plus noirs depuis que les faillites sont recensées, selon le bureau d’études Graydon.

Une reprise de l’activité économique normale en Belgique pourrait avoir lieu au second semestre 2010, a prédit samedi Rudi Thomaes, patron de la Fédération des entreprises de Belgique. Affirmation aléatoire. La FEB estime que la crise persistera jusqu’au troisième trimestre de l’année 2009. Selon la FEB, l’économie subira un déclin de 3 % en 2009 ce qui est plus pessimiste que les prévisions de la Banque nationale qui mise sur un recul d’1,9 %.

La Kredietbank prévoit pour cette année un recul de 3 % de l’économie, le plus mauvais chiffre depuis la fin de la seconde guerre mondiale. 140.000 emplois vont disparaître selon M. Van Craeynest, économiste à la KBC « Le marché du travail reçoit la plus forte pression depuis le début des années 80 », a-t-il souligné.

D’ores et déjà, il ne se passe pas une semaine sans l’annonce de nouveaux drames sociaux. ArcelorMittal a annoncé des milliers de pertes d’emplois dont un grand nombre en Belgique où l’industrie automobile est en danger. Les ouvriers de Seat en Catalogne ont dû accepter le gel de leurs salaires sous la menace de la suppression de 1500 emplois. Le numéro un mondial des portables Nokia a décidé d’en liquider 2700. Depuis le début de l’année, Caterpillar a annoncé la perte de 25 000 postes de travail. Et l’on pourrait poursuivre longtemps la litanie. Point commun : l’immense majorité des entreprise qui licencient continuent à additionner de coquets bénéfices. La crise, pour elles ? Un joyeux effet d’aubaine. Comme le disent de savants docteurs Mabuse de l’économie, ces firmes ne font qu’anticiper des décisions qui seraient de toute manière venues.

Guerre économique

Tout cela met en évidence la guerre économique à laquelle se livrent les groupes industriels et financiers. Depuis des années, OPA, fusions-acquisitions se multiplient. Vus des conseils d’administration, les salariés ne sont qu’une variable d’ajustement sur les courbes des profits. Moins d’emploi, davantage de plus-value extorquée sur le salarié… et, si nécessaire, en l’occurrence pour payer les 10 milliards de dettes contractées par Schäeffler pour acquérir Continental, on casse l’outil industriel et on jette les travailleurs au chômage. L’industrie automobile et les équipementiers subissent de plein fouet les effets d’un pouvoir insuffisant dans les couches populaires. Salaires trop bas, actionnaires bien servis. Qui d’autre fait la crise que les tenants du capital ? Qui d’autre paie la crise que l’immense majorité des citoyens ?

La course à la « profitabilité », aux marges les plus élevées, aux 15 % de profit, est menée par des managers qui accélèrent les cadences, soumettent les travailleurs, ouvriers et cadres à un stress destructeur, pour réduire les effectifs salariés. Le monde du travail ne doit pas nourrir l’illusion d’une « moralisation » du capitalisme. Citée dans le Monde diplomatique, une analyse financière dans une société de Bourse, ne mâchait pas ses mots : « c’est l’organisation globale du travail qui crée le chômage ». Et ce directeur de fonds de pension précisait : « les fonds d’investissements privés rachètent de grandes entreprises dans le but de les revendre au bout de trois ou quatre ans. Leur but est de réaliser les plus values les plus élevées possibles. Il faut faire ‘cracher’ l’entreprise. » [1] Moral effectivement.

« Double langage du FMI »

La crise globale actuelle a discrédité une fois pour toutes les dogmes libéraux. Ils ne sont pas mis à mal pour autant. Les gouvernements et le FMI disent avoir abandonné le « consensus de Washington » (voir encadré ci-dessous). Au nom duquel se sont multipliées les mesures de déréglementation et des programmes d’ajustement structurel qui ont conduit immanquablement à l’impasse actuelle.

« Il est temps de dénoncer le double langage du FMI et de Dominique Strauss-Kahn, qui, d’une part, demandent à la communauté internationale d’augmenter les efforts pour atteindre des objectifs de développement du millénaire déjà bien tièdes et, d’autre part, forcent les gouvernements ayant recours à ses services à baisser les salaires dans la fonction publique.
Il s’agit là de l’exact opposé d’une véritable politique destinée à faire face à la crise en défendant l’intérêt de ceux qui en sont victimes.
Dans cette période de grande déstabilisation monétaire, le FMI se révèle incapable de proposer la mise en œuvre d’une taxe de type Tobin-Spahn qui réduirait les variations des cours de change en combattant la spéculation et qui permettrait de réunir enfin les fonds nécessaires pour éradiquer la pauvreté et libérer le développement. Pourtant, depuis sa création, en 1944, l’obligation de favoriser le plein-emploi figure explicitement dans les missions du FMI qui agit donc en violation de ses propres statuts » écrivent Damien Millet et Eric Toussaint, responsables du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde [2].

Hypocrisie européenne

Tout aussi hypocrites sont les institutions européennes. La Commission parle beaucoup de « transparence » des marchés. Cela ne mange pas de pain. Début mars, elle dévoilait les grandes lignes de sa politique de réformes. Mais les plans de relance sont nationaux. Et son rôle se cantonnera à empêcher une concurrence déloyale entre États. Et pas de remise en cause des critères de gestion, à savoir la maximisation du profit pour les actionnaires, qui ont mené à la situation actuelle.

Les 19 et 20 mars, le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement n’est pas allé plus loin malgré les urgences sociales. « Nous sommes allés aussi loin que possible pour mettre la relance sur les rails » a déclaré, cynique le Premier ministre ultralibéral tchèque, Mirek Topolanek, qui préside le Conseil européen.

Quant au G 20 annoncé pour le 2 avril à Londres avec pour objectif officiel d’examiner les moyens de contrer la crise planétaire et de mieux encadrer le fonctionnement des marchés financiers, il accouchera probablement d’une souris. Le 13 mars, les ministres des Finances de ce groupe qui réunit les principales puissances économiques et les pays et voie d’émergence ont tenté de déblayer le terrain. Sans aller bien loin. On déploie certes beaucoup d’efforts de toutes parts, des États-Unis – qui, soucieux de retrouver des marchés où écouler les exportations américaines, critique la médiocrité des plans de relance européens - à l’UE en passant par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) pour être en mesure d’afficher au moins un résultat minimum sur le dossier des paradis fiscaux. Mais il s’agit surtout de donner des gages à des opinions publiques inquiètes bien plus que de tacler réellement le phénomène.

Mobilisations

La Confédération européenne des syndicats (CES) fait l’analyse que la « récession se transforme en dépression » : 4,5 millions de travailleurs risquent de perdre leur emploi cette année. Une situation qui a des effets directs sur les salaires et sur le modèle social. La confédération craint les effets des plans du FMI, soutenus par les fonds européens, dans les pays de l’Est-européen. Plans qui se traduisent par des coupes dans les dépenses sociales. Par ailleurs la centrale rappelle que les baisses de salaires ont, par le passé, été cause de déflation. La confédération fait valoir que le secteur privé n’investira que très peu dans les prochaines années, et appelle à ce que le secteur public prenne le relais. C’est pourquoi elle réclame « un nouveau programme de projets d’investissements européens d’une valeur d’1% du PIB européen ».

Pour l’heure, les dirigeants européens semblent se concentrer sur la régulation du système financier et ignorent les mobilisations de salariés. Des euro-manifestations à l’appel de la CES sont déjà convoqués à Berlin, Bruxelles, Madrid et Prague du 14 au 16 mai.


Le spectre de Bolkestein

Après le secteur de l’énergie, des télécoms, des services postaux ou des transports, est-ce au tour des services sociaux de se soumettre aux lois de la concurrence ? Les appétits du privé sont restés inassouvis depuis le retrait, en 2006, des services sociaux d’intérêt général (SSIG) du champ d’application de la directive Bolkestein qui entendait libéraliser le secteur des services. Un secteur juteux : quelque 140 milliards d’euros annuels dont la Commission n’entend pas laisser la gestion aux seuls gestionnaires publics. Rappelons que les services exclus du champ d’application de la directive relèvent déjà de ses principes bien présents dans différents traités européens.

L’obsession de la Commission à vouloir libéraliser le secteur social, au nom des traités communautaires et en dépit du rejet de cette disposition par le Parlement, trouve des effets concrets. Ainsi, le président du groupe Gauche unie européenne au Parlement européen a cité le cas de cet organisme public du logement aux Pays-Bas qui s’est vu condamné par la Cour de justice européenne au motif d’une « erreur manifeste de service public ». La coopérative de logement hollandaise est alors accusée de concurrence déloyale à l’égard du privé parce que ses prestations, ne s’adressant pas exclusivement aux plus nécessiteux, incluent aussi des logements pour un public plus aisé !


Le blues des milliardaires

Le magazine américain Forbes, qui établit chaque année les palmarès des milliardaires dans le monde, repris sur le site du Monde diplomatique, met un drôle d’accent sur la crise. « Comme la pluie, elle frappe tout le monde, » ironise le Diplo. « Les plus riches de la planète sont devenus plus pauvres, exactement comme nous », écrit-il, avant de présenter sa liste 2009 des milliardaires. ‘ Nous’ aimerions être capables de perdre 18 milliards de dollars dans l’année, d’en garder au chaud 40 milliards. C’est le cas de Bill Gates, première fortune mondiale, suivi de Warren Buffet et du Mexicain Carlos Slim… Ils étaient déjà dans le palmarès de tête l’année précédente. A noter que 47 magnats russes ont disparu de la liste, et 24 Indiens… »


Le « Consensus de Washington »

Le consensus de Washington est une expression créée en 1989, par l’économiste John Williamson pour résumer les mesures standard alors recommandées aux économies en difficulté, notamment celles d’Amérique latine, par les institutions financières internationales sises à Washington sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international soutenues, en la matière, par le Département du Trésor américain. Il est issu de l’idéologie de l’école de Chicago. A la fin des années 1990, le modèle économique ultra libéral adopté par Thatcher et Reagan est devenu le nouveau dogme économique. Il imposait un revirement complet des politiques menées depuis l’après guerre. Dérégulation, privatisation, monétarisme, réduction des dépenses publiques devenaient désormais d’ardentes obligations en dehors desquelles il n’existait point de salut. Le rôle de l’état, qui jusqu’alors avait été central, à la fois par les politiques économiques et budgétaires qu’il impulsait, et par son rôle redistributeur des richesses produites par les nations, devait à tout prix être réduit à la portion congrue. Ronald Reagan avait résumé cette nouvelle vision prônant le « moins d’état » lors de son discours d’investiture par sa formule fameuse : « l’état n’est pas la solution, c’est le problème ».

L’adoption par les institutions, comme le FMI et la Banque Mondiale, et les élites mondialisées de cette charte libérale a entraîné des conséquences considérables, tant dans nos sociétés que dans les pays en développement. En Europe, le principe de la « concurrence libre et non faussée », au cœur du Traité de Maastricht, qui a acté la mort des services publics, et l’interdiction de mener une politique industrielle, n’a pas d’autre origine, ni d’autre justification.

Dans les pays du sud, les effets du Consensus de Washington, ont été bien plus catastrophiques. Les politiques nommées par euphémisme "Ajustements Structurels" exigées des pays en développement en échange de la renégociation de leur dette par le FMI et la Banque Mondiale ont conduit entre autres à la fin de l’encadrement des prix des aliments de base, et à la privatisation de l’eau.

[1« La religion des 15 pour cent ». Le Monde diplomatique. Mars 2009.

[2« Le double langage d’un FMI délégitimé ». L’Humanité. Le 13 mars 2008.



Les commentaires des internautes

1 message1

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posté le 28 août 2011 par Adelaide

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