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Cinquante années d’une lutte inégale. Histoire du Fatah

par Maurice Magis, août 2009

Cinquante années d’une lutte inégale. Histoire du Fatah

C’était en octobre 1959 à Koweit. Un petit groupe de jeunes universitaires palestiniens qui avaient tous fait leurs études au Caire décide de créer un Mouvement de libération nationale palestinien. C’est-à-dire l’acronyme du Fatah (inversion de Hataf en arabe). Une appellation copiée sur celle du FLN algérien qui constituait alors, en pleine guerre d’indépendance de l’Algérie, un modèle pour les mouvements de libération arabes. On est un peu plus de dix ans après 1948 et la création d’Israël, ce que les Palestiniens appellent la « Nakba », la « catastrophe ». Le peuple palestinien ne se remet pas de l’exode forcé de plus de la moitié de la population de la Palestine historique, charcutée par le plan de partage de l’ONU pour faire place à l’État d’Israël.

Il est éclaté entre les divers pays arabes qui ont accueilli les milliers de réfugiés - Liban, Syrie, Jordanie, Irak, Koweit et pays du Golfe - et ceux qui vivent sous occupation, qu’elle soit israélienne, jordanienne ou égyptienne. La Cisjordanie est sous la botte jordanienne et la bande de Gaza sous la « protection » de Nasser, le président égyptien, qui se pose en libérateur de toute la nation arabe. Les deux régimes entendaient bien utiliser la cause palestinienne, considérée comme sacrée par l’ensemble de l’opinion publique arabe, au mieux de leurs intérêts respectifs.

En fait, l’embryon du futur Fatah naît et se développe au sein de la Ligue des étudiants palestiniens, constituée au Caire en 1951 et dont Yasser Arafat sera élu président en 1953. Elle regroupait des étudiants de toutes les tendances politiques. Beaucoup venaient des Frères musulmans, mouvement islamiste né en Égypte trente ans plus tôt, mais on y trouvait aussi des baasistes, des communistes, des nationalistes arabes, tous mus par la volonté de libérer la Palestine.

Parmi les fondateurs du Fatah se trouvaient Yasser Arafat, Khalil Ibrahim Wazir et Salah Khalaf [1] qui deviendront les trois grands organisateurs de la lutte armée contre Israël - mais aussi Farouk Kaddoumi, en principe toujours dirigeant en titre du Fatah mais en rupture totale avec l’Autorité palestinienne (il n’a jamais accepté les accords d’Oslo), et enfin Mahmoud Abbas, l’actuel président de cette Autorité. Il est ainsi l’un des derniers chefs historiques d’un mouvement composite qui a connu bien des vicissitudes en cinquante années de luttes.

L’idée première qui animait ces hommes était la nécessité d’utiliser la lutte armée pour libérer la Palestine de la présence israélienne. Aussi le Fatah va-t-il mettre sur pied toute une organisation militaire de fédayins (partisans) qui s’entraîneront dans des camps installés dans les pays arabes où se trouvent les réfugiés palestiniens et leurs familles. Après la guerre des Six-Jours et l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza par l’armée israélienne, le Fatah entreprend les premières opérations militaires : la bataille de Karameh en mars 1968, dont Arafat et ses fédayins sortent victorieux, sera l’un des événements fondateurs de la popularité du Fatah et de son chef, qui intègre alors l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) créée quatre ans plus tôt avec le soutien de Nasser. Arafat en prend la direction dès l’année suivante.

Les années suivantes seront celles des attaques de guérilla menées, le plus souvent sans grand succès, par les fédayins contre Israël depuis les pays limitrophes : la Jordanie d’abord, puis, après septembre noir [2], le Liban. C’est aussi le temps des attentats et des détournements d’avions, opérations menées soit par le Fatah lui-même, soit par des groupes marxistes dissidents mais membres de l’OLP comme le FDLP ou le FPLP.

Car dès cette époque s’est engagé au sein du Fatah un grand débat sur la stratégie à suivre et sur le rôle respectif de la lutte armée et de la lutte politique et diplomatique. Attentats et détournements d’avions non seulement se montrent peu efficaces, mais ils ternissent l’image du Fatah et de l’OLP, et attirent des représailles sur la population palestinienne et sur le Liban, où sont installées les organisations palestiniennes après 1970.

En 1974, Arafat, qui est à la fois chef du Fatah et de l’OLP, lance à la tribune des Nations unies une offre de négociations de paix avec Israël. Une offre qui provoquera de nouvelles scissions au sein du Fatah mais qui sera acceptée par la grande majorité. Mais si le Fatah est prêt à négocier, les dirigeants israéliens s’y refusent encore et continuent de considérer Arafat comme un chef terroriste. Il faudra attendre de longues années, une nouvelle guerre au Liban en 1982, puis l’intifada palestinienne de 1987, avant qu’elles ne commencent, après la première guerre du Golfe, en 1991.

Entre-temps, le Fatah, réfugié à Tunis depuis 1982, a tenu son cinquième congrès à Alger : en 1989, trente ans après sa création, il accepte officiellement la stratégie qu’Arafat a réussi à imposer à l’OLP l’année précédente en annonçant urbi et orbi - à Alger déjà - la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, à côté de l’État d’Israël dont il reconnaissait ainsi le droit à l’existence dans les frontières d’avant 1967. Un changement stratégique qui fut difficile à accepter pour bien des militants et qui devait conduire à de nouvelles scissions.

Il devait déboucher sur les négociations - officielles puis secrètes - avec Israël, les accords d’Oslo et la création de l’Autorité palestinienne. Un grand espoir est né. De retour en Palestine en 1994, Arafat confie la plupart des postes dirigeants aux membres du Fatah, resté le parti dominant au sein de l’OLP. Il sera le grand vainqueur des premières élections organisées dans les territoires palestiniens en 1996.

Mais pas plus qu’il n’avait réussi à libérer la Palestine par la lutte armée, le Fatah n’a réussi à obtenir la création d’un État indépendant par la négociation. Empêtré dans la gestion administrative d’une population qui continue de subir l’occupation et ses humiliations, le Fatah est apparu de plus en plus compromis, miné par la corruption, déchiré par les rivalités, incapable d’avancées significatives vers l’indépendance. Aussi a-t-il été durement sanctionné lors des élections législatives de 2006, remportées par le Hamas. Il lui reste à tirer les leçons d’une longue et douloureuse histoire.

Accablant

Amnesty International a publié un long rapport sur la guerre menée à Gaza. « L’impunité pour les crimes de guerre commis à Gaza et dans le sud d’Israël annonce de nouvelles souffrances pour les civils », résume les principales conclusions du texte. Le texte mentionne aussi le Hamas, qu’il accuse de crimes de guerre pour avoir tiré des roquettes délibérément sur des populations civiles.

Les enquêteurs d’Amnesty confirment le chiffre de 1400 morts, dont 300 enfants et plus d’une centaine de femmes. « La mort de plusieurs centaines de civils palestiniens non impliqués dans le conflit, y compris 300 enfants, ne peut être réduite à des “dommages collatéraux” (...) ou à des erreurs. Ils ne peuvent pas être attribués non plus à des réactions de panique de soldats isolés opérant sous le feu. » « Les attaques qui ont provoqué le plus de morts et de blessés ont été menées par des armes de longue portée à haute précision tirées d’avions, d’hélicoptères et de drones ou bien par des chars stationnés à plusieurs kilomètres de l’objectif, souvent contre des objectifs sélectionnés (ce qui signifie que les tirs avaient fait l’objet d’une autorisation de la chaîne de commandement). Ces victimes n’ont donc pas été faites dans des tirs croisés et des batailles entre des militants palestiniens et les forces israéliennes. »

Les autorités israéliennes ont considéré toute institution plus ou moins liée au Hamas comme un objectif légitime, y compris le parlement, divers ministères, des médias, etc., « qui n’étaient pas impliqués dans les hostilités », ce qui « sape les principes du droit international humanitaire qui fait la distinction entre civils et combattants ». « Après avoir enquêté sur plusieurs attaques, Amnesty International a conclu que les victimes n’avaient pas été prises entre deux feux durant les affrontements entre militants palestiniens et troupes israéliennes, pas plus qu’elles n’avaient servi de boucliers humains à des militants ou à des objectifs militaires. Beaucoup ont péri dans le bombardement de leur maison, pendant leur sommeil. D’autres étaient assises dans leur cour ou étendaient du linge sur leur terrasse. Les enfants ont été touchés alors qu’ils jouaient dans leur chambre, sur le toit ou près de chez eux. Les secouristes et les ambulanciers ont été agressés à plusieurs reprises alors qu’ils s’efforçaient de porter secours aux blessés ou de récupérer les corps des victimes. »

L’armée israélienne a dit avoir prévenu les populations des bombardements et les aurait appelées à fuir. Or les habitants ne pouvaient fuir nulle part, toutes les issues de Gaza étant fermées. Le gouvernement israélien a refusé de mener la moindre enquête sérieuse sur les violations du droit international.

D’autre part, à l’occasion du cinquième anniversaire de l’avis de la Cour internationale de Justice jugeant illégal le mur élevé par Israël pour se séparer de la Cisjordanie, le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a présenté un état de la situation côté palestinien.

"La barrière est l’une des mesures employées pour restreindre les mouvements et la vie des Palestiniens", a déclaré un responsable de l’OCHA dans une conférence de presse. "La barrière fait partie d’un régime général de fermeture (...) qui affecte les mouvements des Palestiniens, restreint leur espace, et ajoute à la fragmentation de la Cisjordanie (...). Elle a eu un impact humanitaire dramatique sur les Palestiniens" depuis le début de sa construction, en 2002.

Présentée par Israël comme une "clôture antiterroriste", cette barrière mesurera une fois finie, 709 km, dont selon le bureau onusien, 85 % seront établis en Cisjordanie même et seulement 15% sur la ligne verte, la ligne de démarcation établie en 1949 entre la Cisjordanie et Israël, empiétant à terme sur 9,5 % de la Cisjordanie toujours selon l’OCHA.

Dans son avis rendu le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice avait estimé que "la construction par Israël, puissance occupante, du mur en territoire palestinien occupé, notamment dans et autour de Jérusalem-Est, est contraire à la loi internationale." Elle en a demandé le démantèlement.

[1Abou Jihad, assassiné en avril 1988 à Tunis par un commando du Mossad dirigé par Ehud Barak, et Abou Iyad, assassiné en 1991 par un agent double, toujours à Tunis.

[2En septembre 1970, l’armée jordanienne attaque les camps de fédayins et les expulse vers le Liban. Les massacres de ce « septembre noir » ont fait entre 3 500 et 10 000 morts palestiniens.



Les commentaires des internautes

1 message1

Cinquante années d’une lutte inégale. Histoire du Fatah
posté le 27 mai 2012 par maxime

Je voulais vous faire part de cette remarque pour vous citer que j’apprécie tellement le contenu de votre site. De tout coeur.

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