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Après la victoire du camp de la guerre, quelle paix possible au Proche-Orient ?

par Maurice Magis, avril 2009

Benjamin Netanyahu a commencé fort. À peine parachevée la formation de son gouvernement, le nouveau premier ministre a présenté à la Knesset une équipe pléthorique mais inquiétante pour la paix. Son premier discours, en effet, a confirmé son intention de rompre avec l’attitude des gouvernements précédents qui, depuis les accords d’Oslo, en 1993, avaient tous, avec plus ou moins de sincérité, maintenu un semblant de dialogue avec l’Autorité palestinienne, dialogue qui, a-t-il souligné, « n’a servi à rien ».

Netanyahou avait voté contre les accords d’Oslo en 1994, et quitté le gouvernement Sharon en 2005 pour protester contre l’évacuation de la bande de Gaza. Acquis à l’idéologie du Grand Israël [1], il a accéléré la colonisation de la Cisjordanie dès qu’il fut à la tête du gouvernement en 1996.

Dans son discours d’investiture, le nouveau premier ministre n’a pas évoqué la création d’un État palestinien. Certes, il a affirmé que « la paix est possible avec les Palestiniens s’ils la veulent vraiment ». Mais il s’est borné à leur proposer de « négocier sur les questions économiques, diplomatiques et de sécurité pour arriver à un accord final où les Palestiniens auront tous les droits de se gouverner sauf dans les domaines dangereux pour la sécurité d’Israël ».

Autrement dit, il ressort la proposition d’une autonomie interne sans souveraineté. L’extrême droite d’Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires étrangères, en a remis une couche : « aucun gouvernement israélien n’a jamais accepté la solution des deux États ni le gel de la colonisation, car ni le cabinet précédent ni la Knesset n’ont ratifié les accords d’Annapolis ».

La guerre était en option dans le discours de Netanyahou. Il s’en est ainsi pris à l’Iran, « centre du fanatisme et du terrorisme ». « Il est de l’intérêt d’Israël et du monde musulman de bloquer le programme nucléaire iranien ».
La méfiance à l’égard de ce gouvernement où les extrémistes racistes et religieux ont la part belle est palpable. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a d’ailleurs lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle fasse pression sur « ce gouvernement qui ne croit pas à la paix ».

Les doutes d’Obama

Côté travailliste, Ehoud Barak a réussi son pari en retrouvant son ministère de la Défense, appuyé par la majorité de son parti. Qui a offert à Bibi un (très relatif) contre poids à l’extrême droite laïque de Lieberman, Israël Beiteinou, et du parti ultraorthodoxe, Shass. Le chef de la centrale syndicale Histadrout, Ofer Eini, qui avait plaidé pour l’entrée au gouvernement, a estimé que le vote « permettra la mise en oeuvre d’un programme gouvernemental contre le chômage », semblant ignorer que lorsque Netanyahou était ministre des Finances, sa politique ultralibérale de privatisation a eu l’effet inverse. Au bout du compte, Ben Caspit, du Maariv, s’est dit convaincu que le parti travailliste a signé son acte de décès.

Dans le Yédioth Aharonoth Nahum Barnéa a renchéri : « Un parti qui se dirige vers sa fin, comme un homme qui va vers sa mort, se sent mieux lorsqu’il voyage en première classe, que le lit est confortable, l’oreiller douillet et la couverture bien chaude ».

Arrivé en deuxième position au soir des élections législatives du 10 février, Nétanyahou n’a eu de cesse d’éviter le piège d’un gouvernement trop marqué à droite. La présence des travaillistes aux côtés du parti Israel Beitenou d’Avigdor Lieberman et du Shass d’Eli Yichaï - deux formations qui excluent notamment, tout comme le Likoud, la moindre idée de concessions sur Jérusalem - permet de sauver les apparences. Ce gouvernement ne peut être celui de la création de la Palestine. Dans un premier temps, le président américain Barack Obama s’est montré prudent : « Il est crucial que nous progressions vers une solution à deux États, où Israéliens et Palestiniens puissent vivre en paix côte à côte, dans leurs États, en paix et en sécurité ». Mais il n’a pas évoqué les frontières de 1967, Jérusalem-Est comme capitale palestinienne, l’arrêt de la colonisation ou le droit au retour des réfugiés, autant de questions existentielles pour les Palestiniens.

Les paragraphes de l’accord de coalition avec les travaillistes sur les négociations de paix « sont formulés en termes très larges », a insisté le parti extrémiste Israël Katz en notant qu’il « n’a renoncé ni au Golan, ni à Jérusalem, et n’a pas non plus accepté un Etat palestinien ».

Le Parti travailliste de Ben Gourion, qui a dirigé le pays dès sa création et régné quasiment sans partage pendant plus de vingt-cinq ans, n’est plus que l’ombre de lui-même, de plus en plus à droite. En février, il a atteint avec le score le plus bas de toute son histoire et seulement treize députés

« Croissance naturelle » des colonies

M. Nétanyahou s’est à nouveau prononcé en faveur de la « croissance naturelle » des colonies, et il a précisé ce que serait, à ses yeux, un Etat palestinien : un Etat démilitarisé qui n’aurait pas le droit de signer des accords avec qui bon lui semble. Il n’aurait pas la possibilité de contrôler son espace aérien ni le spectre électromagnétique, ni de disposer de ses réserves d’eau. « Je pense, avait-il déclaré au Washington Post, le 28 février, que les Palestiniens doivent avoir la possibilité de diriger leur vie, mais pas de menacer la nôtre. »

Benyamin Nétanyahou est partisan d’une plus grande autonomie dans des frontières non définies qui permettront à la colonisation de s’étendre. Dani Dayan, responsable de Yesha, l’organisme représentatif des colons, s’est récemment vanté d’être un proche du futur chef du gouvernement, et de pouvoir ainsi faire progresser de 10 % le nombre des colons en Cisjordanie, alors qu’il a augmenté de 5 % lors des trois années du mandat d’Ehoud Olmert. Concernant Jérusalem, M. Nétanyahou a juré qu’elle resterait "la capitale unifiée et indivisible" du pays.


La sale guerre de Gaza

« L’armée israélienne est la plus morale du monde", n’a eu de cesse de répéter Ehoud Barak, ministre de la défense israélien. « Je ne crois pas que les troupes israéliennes aient porté atteinte à des civils palestiniens de sang-froid », a renchéri le chef d’état-major de Tsahal, Gaby Ashkenazi, militant pacifiste. Mais la vérité sur la sale guerre de Gaza est venue au jour. Le citoyen israélien, au départ largement acquis à l’agression contre ce petit bout de terre, doit bien constater les crimes de son armée qui, selon les derniers chiffres publiés par le Centre des droits de l’homme palestinien, a causé la mort de 1 417 personnes, dont 926 civils, parmi lesquels 313 mineurs et 116 femmes.

Les journaux israéliens, dont Maariv et Haaretz, ont publié des témoignages de soldats. Et il a vite été confirmé que Tsahal a procédé à des pilonnages intensifs des zones civiles, utilisé des bombes au phosphore, rasé plus de 4 000 maisons, achevé la destruction des infrastructures économiques. « Je veux de l’agressivité. S’il y a des doutes sur les occupants d’une maison, on la bombarde. Si un bâtiment est suspect, on le détruit », briefait, avant les combats, un commandant de compagnie, selon un témoignage sur la chaîne 10.

À nouveau, des oliveraies, des cultures, des quartiers ont été rasés. Des ambulances n’ont pu avoir accès à des blessés, qui sont morts exsangues. Des familles ont été séquestrées pendant plusieurs jours sans eau et sans nourriture. Seize secouristes ont été tués et 34 établissements médicaux ont été attaqués, selon le rapport de l’ONG, Médecins pour les droits de l’homme (PHR).

Les Gazaouis se sont retrouvés piégés, n’ayant nulle part où aller, à la merci des soldats israéliens, qui tiraient souvent sans discernement : « Tout ce qui bougeait ne pouvait être que des terroristes »

Comme l’a explique l’expert militaire Reuven Pedatzur, « il n’y a pas eu de guerre à Gaza, pas même une vraie bataille ».

Seize personnalités reconnues de l’action humanitaire et de la justice internationale, appuyées par Amnesty, ont lancé un appel pour la mise sur pied d’une « commission d’enquête forte et indépendante d’investigation » pour faire la lumière sur les « crimes de guerre » commis durant le conflit. Dans une lettre ouverte adressée au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et aux pays membres du Conseil de sécurité, ces personnalités parmi lesquelles l’évêque sud-africain Desmond Tutu, l’ancienne haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Mary Robinson, ou le premier juge et le procureur général du Tribunal pénal international pour les crimes en ex-Yougoslavie et au Kosovo Antonio Cassese, et Richard Goldstone… ont demandé la constitution immédiate d’une commission qui doit avoir mandat de mener une enquête, « étendue, approfondie et impartiale » sur l’ensemble des « violations du droit international commises envers les populations civiles » de Gaza et d’Israël.

La branche israélienne de l’organisation Médecins pour les droits de l’homme a accusé à son tour Tsahal d’avoir violé le droit international. Selon ce rapport, « durant le conflit à Gaza, les soldats israéliens ont violé de façon répétée l’éthique de l’armée et les droits humanitaires de base, d’une manière qui soulève des suspicions de violation de la loi internationale concernant les blessés et la sécurité des équipes médicales ».. Dans le même temps, l’armée israélienne a attaqué 34 établissements médicaux, dont 8 hôpitaux et 26 dispensaires.

Les témoignages accusateurs se sont multipliés, émanant de soldats israéliens, confirmant ce que l’on savait déjà. Mais ceux des palestiniens durant l’agression étaient aussi vite qualifiés de « tendancieux, donc peu fiable » par les autorités israéliennes.

Ces militaires ont fait état du cas d’une vieille femme palestinienne tuée alors qu’elle marchait à 100 mètres de sa maison. Un chef de section d’infanterie a évoque un tireur d’élite de l’armée qui a abattu une mère et ses deux enfants parce qu’ils avaient pris la mauvaise direction quand les militaires leur avaient ordonné de sortir de chez eux. Selon le directeur d’une école militaire, Danny Zamir, il régnait au sein de l’armée un climat de « mépris débridé » et un « sentiment de supériorité » envers les Palestiniens.

Les victimes civiles ont témoigné qu’elles allaient à l’école ou étaient chez elles lorsqu’elles ont été blessées. Comme cette jeune mère de famille qui regardait depuis son balcon un char passer. Il s’est retourné et l’a visée à bout pourtant. Les premiers jours, des ordres ont été donnés pour bombarder à 11 h 30, c’est-à-dire à l’heure de sortie des écoles. Il y a des cas de regroupement de population dans des maisons qui ont été ensuite bombardées. Des bulldozers ont défoncé des cimetières.

« Le tir répété d’obus de 155 mm au phosphore blanc qui explosent dans les airs sur des zones densément peuplées était sans distinction et indique la perpétration de crimes de guerre » a écrit l’organisation Human Rights Watch dans un rapport publié le jeudi 26 mars. L’armée israélienne « a de manière répétée tiré des munitions au phosphore blanc au-dessus de zones de population, tuant et blessant des civils et endommageant des infrastructures civiles, y compris une école, un marché, un entrepôt de stockage d’aide humanitaire et un hôpital », affirme l’ONG.

L’armée israélienne n’a pas démenti avoir utilisé des obus au phosphore, soulignant toutefois n’utiliser que des armes non prohibées par les conventions internationales.

À Genève, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation dans les territoires palestiniens, Richard Falk, a réclamé une enquête sur l’offensive israélienne à Gaza, soulignant qu’il y avait « des raisons de conclure » qu’elle constitue un « crime de guerre de la plus grande ampleur ».

Ces crimes vont-ils rester impunis ?

De nombreuses associations se sont tournées vers la CPI, la Cour pénale internationale. D’autres, comme la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), ont formulé trois demandes, ainsi que l’explique son président d’honneur, Me Patrick Baudoin. « Nous souhaitons, et nous nous adressons à l’ONU, la création d’une commission d’enquête internationale afin de recueillir des informations sur ce qui s’est passé à Gaza. D’autre part, sans nourrir beaucoup d’illusions, nous demandons au Conseil de sécurité des Nations unies de créer un tribunal spécial comme cela a été fait après l’assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri ou, mieux, de saisir la CPI comme cela a été fait pour le Darfour. Mais on sait que cela suppose l’accord des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et que les États-Unis et même la France ne donneront, hélas ! pas leur feu vert. » Pour la FIDH, il semble plus efficace « d’utiliser le mécanisme de la compétence universelle et donc de rassembler le maximum d’éléments incriminant pour constituer des dossiers et, à travers ça, remonter les chaînes de commandements, cibler les responsables politiques et militaires israéliens et, à l’occasion de leurs déplacements dans certains pays, déposer des plaintes ».

Un rapport des Nations unies est sorti. Il avait été demandé par une résolution de la dernière session spéciale du conseil des droits de l’homme. « Étant donné les alternatives diplomatiques existantes, ce recours à la force ne peut pas être justifié légalement », dit le texte. Idem pour le blocus de Gaza, représentant « une substantielle violation du droit humanitaire (de la 4e Convention de Genève) ».

Quant aux crimes de guerre, il est difficile de ne pas voir que « les attaques étaient dirigées vers des zones densément peuplées » et qu’il était, de ce fait, « inévitable que des infrastructures civiles (hôpitaux, écoles, immeubles d’habitation…) soient touchées, provoquant des pertes civiles importantes. Et ce d’autant plus que les frontières étaient fermées et qu’il était impossible pour les civils de fuir ».

Le rapport demande dès lors la création d’une commission d’enquête composée « d’experts reconnus » pour faire toute la lumière sur ces événements.

Après les terribles aveux faits par des soldats israéliens ces derniers temps, une telle enquête semble plus que jamais nécessaire afin de pouvoir clarifier les faits et les responsabilités. C’est dans l’intérêt de tous, y compris d’Israël.


La colonisation s’accélère

Un rapport confidentiel de l’Union européenne critique fortement Israël pour ses activités coloniales dans Jérusalem-Est et les démolitions de maisons palestiniennes dans la cité. Ce document explique que la politique israélienne à Jérusalem-Est, notamment la construction de nouvelles colonies juives — en augmentation constante depuis le sommet d’Annapolis en novembre 2007, qui devait mettre fin au conflit avant la fin de 2008 — et du mur d’annexion et la discrimination à l’égard des Palestiniens, que cette politique compromet la présence des Palestiniens, tout en renforçant celle des Israéliens à Jérusalem-Est. Il note également que la politique d’Israël fait obstacle au processus de paix et soulève de graves questions quant à l’engagement d’Israël dans ce processus.

Le rapport de l’UE reconnaît « le droit d’Israël » à agir pour sa sécurité mais il ajoute que la plupart des activités illégales d’Israël à Jérusalem-Est ne sont pas motivées par des questions de sécurité. Il considère les actions d’Israël comme une violation du droit international et que cette politique entraîne des conséquences immédiates et dangereuses au détriment des Palestiniens et viole les droits humains.

Alors les Palestiniens représentent 34% de la population totale de Jérusalem, la municipalité n’alloue que 5 à 10% de son budget pour les services aux Arabes. Ceci a des conséquences directes et négatives sur l’infrastructure et les services basiques de la partie arabe de la cité (Jérusalem-Est).

Il est utile de rappeler qu’en novembre 2005, l’Union européenne avait préparé un rapport confidentiel du même ordre. Il avait été établi par les gouvernements des 25 pays de l’UE, mais les ministres des Affaires étrangères de l’UE avaient mis leur veto à sa publication quand celle-ci fut planifiée. Ces ministres arguaient que ce rapport aurait mis en difficulté les relations Israël/Union européenne, spécialement alors qu’Israël venait d’accepter pour la première fois de donner à l’UE un rôle sur la sécurité dans la région, indiquait le journal britannique The Independent. Jérusalem-Est fait partie des territoires palestiniens qu’Israël occupe depuis la guerre des Six Jours. Depuis lors, Israël a déclaré à maintes reprises que Jérusalem, dans sa partie Ouest et Est, était la « capitale indivisible et éternelle » d’Israël.

Après la victoire du camp de la guerre, quelle paix possible au Proche-Orient ?
Analyse parue dans le N° 355 du Journal du mardi, 7 avril 2009.Analyse parue dans le N° 355 du Journal du mardi, 7 avril 2009.

[1Né en 1949, à Tel-Aviv, Benyamin Netanyahou est le fils du secrétaire de Zeev Jabotinsky, leader nationaliste que l’on qualifiait dans les années trente de « fasciste sioniste ». Il a passé son enfance et fait ses études aux États-Unis.



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