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A qui est le monde ?

par Maurice Magis, mai 2010

La Grèce n’en finit pas de s’enfoncer dans une crise qui a pris un tour dramatique, mercredi 5 mai, avec la mort
de trois personnes. En marge des manifestations contre le plan de rigueur draconien arrêté par le gouvernement,
en « échange » d’une aide financière de l’Euro-groupe et du FMI, des émeutiers, à Athènes, ont lancé des cocktails
Molotov contre une agence bancaire, coinçant une vingtaine de personnes à l’intérieur. Le président grec,
Carolos Papoulias, a averti ses compatriotes que leur pays était "au bord du gouffre". Il les a appelés à « ne pas
faire le pas de trop, qui nous précipiterait dans le vide ». Et puis ?

Le peuple grec refuse le super-plan d’austérité que veulent lui infliger l’Union européenne et le Fonds monétaire
international. Les manifestations et les grèves se succèdent. Le traitement imposé par les « docteurs » de la
Commission et de Washington menace d’emporter le malade. Le plan de 110 milliards d’euros de crédits sur trois
ans est assorti en effet de coupes dans les salaires des fonctionnaires, dans les investissements publics, dans
les pensions. Dans le seul secteur public, le syndicat Adedy évalue à 30 %, en moyenne, la perte de pouvoir
d’achat que vont subir les salariés. Plusieurs primes, une partie des congés payés, tout serait passé à la moulinette
du super-plan d’austérité. Le « socialiste » Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, l’a présenté
comme le seul moyen pour la Grèce de retrouver sa crédibilité auprès des marchés financiers. La Banque centrale
européenne vante, quant à elle, les politiques de « consolidation budgétaire déflationniste ». Déflation signifie
une baisse sensible des prix et des salaires souhaitée par les marchés.

Pour les progressistes européens, un peuple est en danger. Mais il y a plus. Des mesures comparables à celles
infligées aux Grecs sont entamées au Portugal, en Espagne, en Irlande. En Belgique, la même salade sur la
« nécessaire austérité » nous est servie depuis des années. En Allemagne un nouveau rationnement des dépenses
publiques est programmé. C’est dire combien la solidarité à l’égard des Grecs concerne l’ensemble des peuples
européens.

Tous Grecs !

L’entreprise Europe libérale connaît la crise. Pas la solidarité. Depuis des années, ses dirigeants et ses institutions
mènent une opération systématique de sape des conquêtes sociales et démocratiques.
Aujourd’hui, la situation catastrophique que vit la Grèce leur est prétexte pour tenter d’imposer de nouveaux tours
de vis aux peuples. On sait que la haute finance mondialisée a aidé le gouvernement hellène à camoufler
l’ampleur de sa dette publique. Désormais, le pays est l’otage des agences de notation privées qui lui imposent
des taux d’intérêts intenables. Seuls, les spéculateurs sont à la fête. Et voilà que le Fonds monétaire international
s’apprête à rentrer à son tour dans la danse en appelant avec la Banque centrale européenne, l’Allemagne et
leurs compères hypocrites des autres capitales à un durcissement de la politique d’austérité.

A la clé ? Dérégulation sociale, privatisations, réduction des salaires, hausse du coût de la vie. Voilà ce que le
gouvernement d’Athènes, mis sous la tutelle de l’Union Européenne, est censé faire en vertu du « plan de soutien
 » dicté par les 27, le 25 mars. « Suffit ! » disent les syndicats et les partis de gauche grecs. Leur combat est
le nôtre. Déjà, on annonce des lendemains qui déchantent aux Espagnols, aux Portugais, aux Italiens. Et puis,
aux Français, aux Belges pris dans une crise politique surréaliste.

Pour sauver un euro que Berlin voudrait gérer comme le mark, il faudrait « assommer » les peuples ? Cette fuite
en avant ne calme même pas le scepticisme des marchés. La Commission européenne prévoit pour la Grèce un
recul de 3 % du produit intérieur brut cette année.

Devant le Bundestag, Angela Merkel a déclaré vouloir imposer un contrôle accru de la discipline budgétaire des
membres de la zone euro et des sanctions plus strictes et s’est prononcée pour une réforme des traités. Dans une interview au journal le Monde, la ministre française, Christine Lagarde, s’est également prononcée en faveur
d’une modification de « la régulation et la gouvernance économique de la zone euro ».

Le peuple grec est au bord de la rupture. « Une grande guerre » comme l’a dit une syndicaliste ? Mais ce conflit a
été déclenché par les marchés et les banques. Un pays est en résistance, et pas seulement en Grèce.

Mikis Theodorakis : « Veut-on nous supprimer comme peuple ? » [1]

Avec l’esprit commun dont je dispose, je ne peux expliquer, et moins encore justifier, la vitesse à laquelle notre
pays a dégringolé de son niveau de 2009 à un point tel que nous soyons obligés de lâcher une partie de notre
souveraineté nationale au FMI et d’être mis sous tutelle. Et il est très étrange que, jusqu’à présent, personne ne
se soit occupé de la chose la plus simple, c’est-à-dire notre chemin économique, en s’appuyant sur des chiffres
et des faits, afin que nous, ignorants, puissions comprendre ce changement inédit et vertigineux qui a pour résultat
la perte de notre indépendance et, en même temps, notre humiliation internationale.

J’entends parler d’une dette de 360 milliards mais, en même temps, d’autres pays ont la même dette et même
des dettes plus importantes. Par conséquent, je me dis que cela ne peut être la raison de notre mauvaise fortune.
En outre, je suis aussi troublé par cet élément d’exagération que constituent les coups internationaux dirigés
contre notre pays avec une coordination fortement concertée. J’en arrive à la conclusion que certains nous ont
fait honte et nous ont fait peur pour nous conduire au FMI, principal outil de la politique expansionniste des États-
Unis. Tout le reste concernant la solidarité européenne n’était que de la poudre aux yeux, afin que cette initiative
n’apparaisse pas clairement américaine, visant à nous conduire dans une crise fortement factice, pour faire peur
à notre peuple, pour qu’il s’appauvrisse, pour qu’il perde des conquêtes précieuses, afin de le mettre à genoux en
acceptant qu’il soit gouverné par des étrangers. Mais pourquoi ? Pour servir quels desseins, quelles visées ?

Je soupçonne que derrière tout cela se cache la politique américaine, avec des desseins suspects quant à notre
espace géographique, les richesses pétrolières sous-marines, le régime de Chypre, la mer Égée, nos voisins du
Nord et l’attitude arrogante de la Turquie ; des plans qui, pour l’instant, n’ont été détectés que par la prudence et
l’opposition grecques.

Tous autour de nous ont déjà plus au moins sauté dans le char USA. La seule voix discordante, c’est nous qui,
depuis l’imposition de la junte et la perte de 40 % de Chypre, jusqu’aux embrassades américaines avec la Fyrom
et les nationalistes albanais, recevons continuellement des coups et continuons à ne pas devenir « logiques » et
soumis.

Il faudrait par conséquent nous supprimer comme peuple et c’est exactement ce qui arrive maintenant. Et j’en
appelle aux économistes, politiques, analystes, pour qu’ils me prouvent que c’est faux. Je crois qu’il n’y a pas
d’autre explication convenable, excepté qu’il n’ait existé un complot international auquel participaient des Européens
pro-américains, comme Merkel, la Banque centrale européenne, la presse réactionnaire internationale,
qui, tous ensemble, complotaient pour le « grand coup », la vassalisation de notre nation libre. Enfin, moi, je ne
peux donner d’autres explications. Je conviens toutefois que je ne dispose pas de connaissances spécifiques
mais fonde mon discours sur le sens commun. Peut-être que beaucoup d’autres pensent comme moi, ce que
nous verrons dans les prochains jours.

De toute façon, je voudrais prévenir l’opinion publique et mettre en évidence que si mon analyse est juste, alors
la crise économique (qui, comme j’ai dit, nous a été imposée) n’est rien d’autre que la première gorgée amère
d’un festin somptueux qui affectera, cette fois, tous les enjeux vitaux pour la nation et dont je ne veux même pas
imaginer où ils nous conduiront. J’espère que j’ai tort.

A qui est le monde ?
par MAURICE MAGIS, chargé de communication de l’ACJJ – mai 2010.

[1En support de cette analyse, il nous a paru utile d’y adjoindre cet extrait de l’Humanité et de donner à lire l’analyse d’une
personnalité emblématique de la Grèce, Mikis Theodorakis.
Autrement dit, dans toute l’Union Européenne, on demande aujourd’hui aux peuples de payer les pots cassés.
Comment ? En pression sur les salaires, en chômage, en soins plus chers, en démantèlement des services
publics, en recul de l’âge ouvrant droit à la retraite, en diminution de la protection sociale, en difficultés d’accès
au crédit pour les PME et les collectivités locales, alors que la taxe professionnelle est supprimée.
Les gouvernements semblent s’être défiés dans une sorte de championnat du monde des plans de rigueur et
d’austérité, pour une prétendue vertu budgétaire, mais contre les populations.
En remerciement de leur sauvetage par les États, les marchés financiers, ces aigles prédateurs, composés des
banques, des institutions financières et des assurances, à qui des responsables politiques ont donné carte blanche,
s’attaquent aux finances des États en difficulté, comme c’est le cas de l’Islande, de la Grèce, de l’Espagne
ou du Portugal. Ils font de l’argent par la spéculation sur la dette des États.
Ainsi la totalité de l’impôt sur le revenu collecté dans notre pays sert à payer les frais financiers générés par la
dette. Au lieu de leur résister, les gouvernements se couchent, et font payer la crise aux peuples.
Cette crise économique, sociale, écologique, fait naître désormais une crise politique qui prend racine dans les
mensonges assénés depuis des années sur la nature des Traités de Maastricht et de Lisbonne.
Ni l’Union monétaire, ni l’Euro ne créent un système de solidarité et de coopération entre les pays européens, en
faveur de leurs habitants. L’Euro n’est pas une monnaie commune pour le travail, la formation, l’impulsion d’une
grande et nouvelle politique industrielle, agricole, de services ou d’infrastructures. Elle est une monnaie gérée par
la seule Banque Centrale Européenne indépendante au service des spéculateurs et contre les travailleurs.
Le sacro-saint principe de « concurrence libre » n’est qu’un venin injecté de force dans le corps des États, qui fait
mourir les modèles sociaux existants.
Ainsi, la concurrence fiscale conduit à abaisser sans cesse la fiscalité du capital et à le faire payer aux populations,
en réduction de services et en impôts supplémentaires sur le travail et les familles.
A l’opposé, il serait maintenant nécessaire d’obtenir une directive pour une fiscalité commune sur les grandes
entreprises et les banques de l’Union Européenne. Le corset du pacte de stabilité sauterait pour être remplacé
par un pacte coopératif de développement humain durable, favorable au travail, à la formation, et à la construction
d’infrastructures communes, en lien avec les défis écologiques.
Un mécanisme contre la fraude fiscale et l’évasion des capitaux devrait être mis en place qui taxerait lourdement
les mouvements de capitaux spéculatifs. Les paradis fiscaux fermés. Une première modification des traités européens
devrait conduire à changer le rôle et les missions de la Banque Centrale Européenne, pour une monnaie
européenne solidaire au service des peuples.
Autant d’alternatives qui appellent partout à développer la résistance sociale et politique, solidarité des travailleurs
à l’intérieur de l’Union Européenne ; des travailleurs d’Opel à ceux de Renault, des salariés des services
publics de toute l’Union Européenne, des familles populaires de Grèce, d’Espagne, du Portugal, de France et
d’ailleurs, qui ont les mêmes intérêts.
Leur unité est indispensable face à l’internationale des spéculateurs protégée par les gouvernements et l’Europe
des marchands (…).



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