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Crise, guerres : des défis colossaux : Obama, un destin américain

par Maurice Magis, février 2009

Que peut-on espérer réellement de la nouvelle administration Obama ? On connaît la crise qui traverse le pays et qui a été exportée dans le monde. Le pays a perdu 3,5 millions d’emplois en 2008, et depuis le 1er septembre, 14 000 par jour. L’équipe d’Obama est consciente de l’urgence de casser le cercle vicieux de la chute de consommation et des licenciements. Obama a été porté par l’espoir du « Yes we can » qu’il a lancé aux quatre coins de son pays. Mais quelle direction prendre ? Quelle rupture attendre avec la politique de son prédécesseur ?

Crise, guerres : des défis colossaux : Obama, un destin américain

Voilà Barack Obama aux affaires de la première puissance mondiale. Une prise de fonction barnumesque qui s’est faite dans un moment de grande incertitude. Incertitude liée à la gravité des défis qu’il aura à aborder. Incertitude quant aux politiques qu’il privilégiera, maintenant passé le temps des discours et les supputations qu’ils ont provoqués aux Etats-Unis et dans le monde. Voici venu le temps des actes. Pour faire face, M. Obama dispose d’atouts considérables. Son élection a été triomphale, le peuple américain - y compris, pour l’instant, une part du camp républicain- s’enthousiasme pour ses idées. La vague néolibérale, destinée à se gonfler toujours davantage selon les mages de Wall Street, les financiers et les économistes proches de l’administration Bush, s’est brisée sur les récifs de la récession actuelle. Le nouveau président dispose, pour agir vite comme il l’a promis, de la majorité parlementaire, tant au Sénat qu’à la Chambre des représentants. Le monde, tout autant que le peuple américain, investit énormément en lui. En cet homme qui bénéficie d’un « état de grâce mondial » pour reprendre les termes de Bernard Kouchner.

Selon un récent sondage publié par le quotidien USA Today : « Les Américains n’ont jamais été aussi pessimistes depuis des décennies sur l’état du pays mais ils expriment une confiance grandissante dans la capacité d’Obama de remédier aux problèmes. » « Des attentes stratosphériques », selon le quotidien. C’est sans doute ce qui a motivé cette sèche analyse de l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine : « Tout le monde a confiance en lui, alors que personne ne sait ce qu’il pense ou ce qu’il va faire ». Selon le locataire actuel du Quai d’Orsay, Bernard Kouchner. « Barack Obama n’a pas de baguette magique, et sera d’abord je crois le président des Etats-Unis »

Sans doute, Obama aurait-il bien besoin de capacités hors du commun pour répondre aux multiples attentes d’une population angoissée, mise ko par les deux mandats de George Bush. Sinistre bilan, en effet, que celui de « doublevé ». Celui-ci est parti avec la cote de popularité la plus basse qu’ait enregistrée un président américain. « Un dirigeant calamiteux », a conclu la presse, qui a mis un soin particulier et un formidablement entêtement à cumuler les échecs : guerres en Afghanistan et en Irak et leurs milliers de morts, calembredaines sur les armes de destruction massive et les liens supposés entre Saddam et Al Qaïda, tortures sur les présumés terroristes jamais passés en jugement, vols secrets de la CIA avec la complicité de nombreux Etats européens et arabes. Et au total un niveau de défiance – voire de haine – jamais atteint envers les Etats-Unis. Sans parler de la montée en puissance du radicalisme islamiste en Afrique et en Asie.

Bush n’a évidemment pas fait mieux au plan intérieur en laissant un pays aux prises avec une crise sociale dramatique, qui paie un lourd tribut à cette sotte certitude de l’administration sortante que les marchés fous finiraient bien par s’autoréguler. Voilà le néolibéralisme appliqué depuis plus de vingt ans qui pique en vrille. George Bush lui-même, a admis avoir « laissé de côté certains de mes principes libéraux quand mes conseillers économiques m’ont informé que la situation que nous allions connaître risquait d’être pire » qu’en 1929. On croit rêver devant une telle fausse candeur quand le déficit budgétaire, le chômage, les faillites en cascades et la pauvreté scandent la vie économique du pays.

« Economie en panne »

C’est donc sur des décombres que M. Obama s’est engagé à rebâtir. Dans ses premiers discours de président, il a surtout évoqué la gravité des enjeux : « Ensemble, nous savons qu’il y a du travail à faire, nous savons que l’Amérique se trouve à la croisée des chemins : un pays engagé dans plusieurs guerres, le Proche-Orient en feu et une économie en panne, un rêve américain qui semble s’évaporer. » Et il a annoncé de nouveaux « jours difficiles » : « rarement dans notre histoire, une génération aura été confrontée à d’aussi importants défis. » Lors de sa prestation de serment, il n’a pas changé de ton devant une immense foule en liesse : "Je vous dis aujourd’hui que les défis auxquels nous sommes confrontés sont réels ; ils sont graves et nombreux. Mais sache, Amérique, qu’ils seront relevés !",

Paradoxalement, c’est peut-être l’ampleur des dégâts et l’énormité des attentes populaires qui donnent ses meilleures armes à Barack Obama. On ne lui reprochera pas de tenter d’endormir l’opinion par des discours lénifiants. Concrètement, on attend pour voir, au-delà des appels à la mobilisation et à la responsabilisation des Américains.

Dans son premier discours de candidat élu, Obama avait affirmé que sa victoire témoignait de ce que « l’Amérique est un endroit où tout est possible ». La possibilité pour un homme issu d’une minorité d’accéder à la Maison-Blanche, certes. Mais pour influer réellement sur les conditions de vie, il y a beaucoup de chemin à parcourir. Quelle sera l’ampleur de la rupture dans les matières économiques ? Obama rompra-t-il avec les fondamentaux capitalistes qui ont conduit à la situation actuelle ? L’annonce de dépenses sociales nouvelles, pour les retraites et la santé notamment, s’est accompagnée de louanges à l’esprit d’entreprise et à la concurrence. Et l’on peut craindre que les victimes de la pauvreté attendent longtemps les effets concrets de la symbolique Obama.

Rupture ou pas ?

Donc, l’économie sera tout en haut de l’agenda du nouveau président des États-Unis. Le nouveau chef de cabinet du président, Rahm Emmanuel, l’a présentée comme la « vraie grande question » du moment. La crise et ses effets de plus en plus rudes pour la population ont été au centre de la campagne électorale. Des centaines de milliards de dollars seront injectés, sous forme de dépenses publiques ou de baisses d’impôts. Une grosse partie de ces sommes sera consacrée à des grands travaux, à étendre (modestement) la durée des indemnités de chômage, à aider les familles dans le besoin avec des tickets alimentaires, à voler au secours des Etats et des collectivités locales exsangues.

« Les attentes des citoyens à l’égard de ce président qui rentre en fonctions sont les plus élevées que j’aie jamais vues de toute ma vie », a insisté Nancy Pelosi, la porte-parole de la Chambre des représentants. Mais il ne suffira sans doute pas de répandre une manne financière sur l’économie nationale pour que les affaires reprennent et que le chômage de masse reflue. Surtout le profil de l’équipe de conseillers spéciaux autour du président Obama, qui sont soit liés à Wall Street, comme le milliardaire Waren Buffett, ou issus de l’ancien staff du président Clinton, ne signale pas, d’emblée, une volonté particulière d’innover en économie en bousculant le cadre imposé par les marchés financiers. La présentation des nouveaux dirigeants de l’économie, partisans de réduire les dépenses publiques, et notamment la nomination, de Timothy Geithner, un ancien de Lehman Brothers, une banque qui a abusé des subprimes au secrétariat d’État au Trésor avait réjouit Wall Street. Les ténors républicains ont applaudi, McCain et Karl Rove en tête. « Les conservateurs sautent de joie », s’est félicité Fred Barnes, dans le Weekly Standard, l’organe des fondamentalistes libéraux, qui y voit un tournant vers le centre droit. Là encore, attendons pour juger : « En tant que président, c’est moi qui fixe la politique, qui dicte ma vision » ne cesse de répéter le président.

Or, la première économie mondiale est officiellement entrée en récession depuis la fin de 2007. Fin 2008, le taux de chômage atteignait 6,5% contre 5% en janvier, un chiffre largement sous-évalué et selon les experts, le ralentissement ira en s’accentuant. L’année dernière s’est conclue avec une perte de 2 600 000 emplois, dont près de deux millions au cours des autres derniers mois. Le déficit budgétaire devrait atteindre 1200 milliards de dollars et 8,3% cette année. Barack Obama, qui s’est dit ouvert à toutes les idées pour nourrir le plan de relance dont le coût est estimé à 850 milliards de dollars, ne cache pas l’ampleur du défi à relever : « L’an dernier, dit-il, nous avons perdu plus d’emplois qu’à aucun moment depuis la Seconde Guerre mondiale. »

Investissements massifs

Quant à la crise financière, à l’origine de la débâcle actuelle, elle est très loin d’être jugulée en dépit des centaines de milliards injectés pour voler au secours du système bancaire.

Le choix de Barack Obama, pour contrer la dépression qui menace, consiste à amplifier les interventions décidées par l’administration sortante en y ajoutant quelques aspects nouveaux : allégements fiscaux et investissements dans les infrastructures. Mais le coût social de cette politique est parfois très lourd. Le soutien à l’automobile est assorti de conditions terribles pour les salariés du secteur : baisses substantielles de rémunération et nouvelles coupes dans leur protection sociale. L’intervention de l’État est ainsi vouée à des restructurations dont l’objectif clé est le retour rapide des « big three » (General Motors, Chrysler et Ford) à la rentabilité financière.

La question est donc de savoir si Obama va persister dans cette voie, comme l’y invitent la plupart de ses conseillers proches de Wall Street, ou s’il décide de mesures capables d’éviter une saignée dans l’emploi et les salaires, qui ne manquerait pas d’alimenter à son tour les cercles vicieux de la crise.

Les réductions d’impôts avancées par le plan de relance de Barack Obama se différencient certes des programmes de l’administration précédente. Elles sont incontestablement imprégnées d’un souci d’équité sociale puisque la baisse des prélèvements serait la même pour tous (500 euros par personne, 1 000 euros par ménage). En même temps, il ne serait pas question de revenir dans l’immédiat sur les avantages accordés aux plus riches durant la période Bush, comme s’y était engagé le candidat Obama.

Seul aspect du plan se rapprochant éventuellement d’un « new deal » à la Roosevelt ; des investissements massifs dans des « grands travaux » destinés à remettre à niveau nombre d’infrastructures défaillantes du pays : routes, ponts, logements, réseaux informatiques, rénovation d’écoles, etc. L’accent est mis aussi sur un effort inédit pour l’équipement du pays en matière d’énergies renouvelables.

Guantanamo sera fermé

Sur un autre plan, on attend également de M. Obama qu’il rompe avec les dérives autoritaires de l’époque Bush. Il a promis de fermer la prison de Guantanamo. Son premier acte présidentiel a été de suspendre le système judiciaire d’exception mis en place en 2006 pour juger les détenus poursuivis pour crimes de guerre. Il a également condamné l’usage de la torture autorisée par l’administration sortante. Et il y a le tristement célèbre Patriot Act qui accumule les atteintes aux libertés - détentions sans jugement, écoutes téléphoniques illégales, etc. - au nom de la lutte contre le terrorisme

Obama est entré à la Maison-Blanche porté par l’espoir du « Yes we can », un slogan qui le met au pied du mur. Une autre Amérique a repris la parole dans la foulée, celle qui, avec le chanteur –poète progressiste Woodie Guthrie écrivait voici plus d’un demi-siècle que « ce pays a été fait pour vous et moi ».


45 millions d’Américains sont sans couverture médicale

Barack Obama affirme que les Américains le jugeront sur la réforme de l’assurance maladie. La situation est dramatique : sur 305 millions d’habitants, plus de 37 millions vivaient sous le seuil de pauvreté en 2007 et près de 45 millions sont sans couverture médicale. Comme l’indique Phil E. Benjamin, spécialiste américain des politiques publiques de santé, « dans notre système de santé reposant sur le profit, les gens doivent affronter des conditions qui s’empirent ; le statut de la santé s’aggrave, les maladies croissent ».
La « social security » n’est nullement comparable au modèle européen. L’État ne se charge des dépenses de santé que dans deux cadres : le « Medicare », une couverture pour les plus de 65 ans, et le « Medicaid », pour les plus défavorisés. Pour le reste, le système social dépend largement des entreprises… à condition qu’elles « offrent » une protection à leurs salariés. Sinon, les salariés sont « libres » de souscrire, sur leurs deniers, à une assurance privée.
Dans son programme, Obama dit souhaiter « signer une assurance maladie de qualité et abordable pour chaque Américain », « réduire le prix des médicaments prescrits » ou encore « empêcher les compagnies d’assurance de refuser une couverture sur la base de conditions préalables ». Selon une étude publiée par le Comité national des infirmières, cette réforme permettrait de créer 2,6 millions d’emplois et d’injecter 100 milliards en salaire dans l’économie des États-Unis. Mais il faudra affronter le « complexe médico-industriel, influent et riche », prévoit Phil E. Benjamin pour qui « les compagnies d’assurances privées, les entreprises pharmaceutiques, les associations de médecins et - le plus important entre tous - les banques qui prêtent de l’argent aux hôpitaux privés vont exercer un lobbying puissant pour préserver leurs profits ». Espoir malgré tout du spécialiste : « en cette période de crise, où les gens ont exprimé leur besoin de changement, les mouvements sociaux peuvent favorablement faire pencher la balance. »

Que promet Obama au monde ?

À peine installé à la Maison Blanche, Barack Obama a ordonné la fermeture du centre de Guantanamo, mis la torture hors la loi, interdit à la CIA d’entretenir des prisons secrètes, et annoncé un engagement fort des Etats-Unis au Proche-Orient. « Nos actions, en défense de la liberté, seront aussi justes que notre cause » a-t-il dit. Mais l’Amérique doit rester « le fondement et le phare de notre leadership global. » Un discours ambigu.

Dès son discours d’investiture, le 44e président des Etats-Unis a indiqué vouloir prendre ses distances avec l’unilatéralisme guerrier de l’administration Bush : « Sachez que l’Amérique est l’amie de toutes les nations et de tous les hommes, femmes et enfants avides d’un avenir de paix et de dignité, et que nous sommes prêts à ouvrir à nouveau la voie. » Il est vrai que jamais, en tout cas depuis le deuxième conflit mondial, l’image des Etats-Unis dans le monde n’a été à ce point négative, son influence si néfaste, ses interventions aussi meurtrières.

D’un trait de plume, M. Obama a semblé tourner la page de la « guerre » contre le terrorisme chère au président Bush après le 11 septembre 2001. La révision de la politique antiterroriste est placée sous la coordination du ministère de la justice, et n’est plus le monopole du Pentagone. La CIA, cornaquée par un directeur « civil » en la personne de Léon Panetta, devra rentrer dans le rang. Le nouveau président a déclaré « sans réserve ni équivoque : les Etats-Unis ne torturent pas. » Il a identifié deux zones d’urgence prioritaire et nommé deux fortes personnalités pour s’en occuper. L’artisan de l’accord de paix de 1998 en Irlande, George Mitchell, sera l’envoyé spécial pour la paix au Proche-Orient. Celui des accords de Dayton pour la Bosnie, en 1995, Richard Holbrooke, devient représentant spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan. M. Obama a défini son objectif au Proche-Orient : "rechercher activement et énergiquement une paix durable entre Israël et les Palestiniens ainsi qu’entre Israël et ses voisins arabes". Il a rappelé que, si le Hamas reconnaissait le droit à l’existence d’Israël et renonçait à la violence, il pourrait participer au processus.

Drôle d’équipage

Alors ? L’équipe formée par Obama pour gérer la politique étrangère et la défense de son pays peut laisser sceptique. Hillary Clinton a succédé à Condoleezza Rice au département d’Etat, elle qui a voté pour la guerre en Irak. Oubliées les querelles des primaires au bénéfice de la conception qu’il se fait d’une gestion consensuelle du pouvoir.

Une stratégie confirmée avec le maintien à la Défense du républicain Robert Gates, un pilier de l’équipe Bush, ancien de la CIA, mêlé autrefois au trafic d’armes avec l’Iran pour en obtenir l’argent des subventions investies dans les contras, les milices contre-révolutionnaires du Nicaragua. Gates fut également un partisan des renforts en Irak, au contraire d’Obama, et un opposant à un retrait précipité. « Ce n’est pas l’homme qui convient pour ce poste » a titré le périodique progressiste The Nation. Le nouveau président a nommé à la tête de son conseil pour la sécurité nationale le général James Jones, un vieil ami de McCain, qui s’était élevé contre l’envoi de renforts en Irak, convaincu comme Obama que l’ennemi véritable se trouve en Afghanistan, et cela en dépit des résultats calamiteux du forcing militaire des États-Unis et de leurs alliés dans ce pays où il s’agit d’envoyer 30 000 hommes supplémentaires.

Il est vrai qu’un retrait de Mésopotamie est largement souhaité par les Américains. Le prix humain payé par les États-Unis à cette guerre - plus de 4 200 soldats tués et près de 30 000 blessés dont une partie handicapée à vie - et son coût financier - plus de 2 000 milliards de dollars selon l’économiste et prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz - ont fait monter les attentes au sein de la population. Les images de torture dans la prison d’Abou Ghraib, les centaines de milliers d’Irakiens d’un terrible embargo (1991 et 2003), puis des suites de l’invasion en mars 2003 ont discrédité largement Washington dans la région.

Toutefois, retirer d’Irak, d’ici à juin 2010, les 146 000 soldats et leur matériel tout en y laissant quatre bases permanentes, ne sera pas une mince affaire. L’Irak est ruiné, le pays est l’un des plus corrompus de la planète. Il reste éclaté en trois entités ethnico-confessionnelles : un sud chiite, une région centre dominée par les sunnites et le nord du pays érigé pratiquement en État autonome du Kurdistan. La laïcité a cédé devant l’islam, désormais religion d’État.

Nouveau leadership

A ceux qui misent sur une plus grande ouverture des Etats-Unis au monde, certains ont déjà opposé la vision que revendique M. Obama de sa mission : « Dans ce monde incertain, le temps est venu pour un nouveau commencement, une nouvelle aube de leadership américain. » Son ambition ? « Notre puissance économique doit soutenir notre force militaire, notre influence diplomatique et notre leadership mondial. »

Lors de son audition par le Sénat, Hillary Clinton, a tracé les contours d’une politique extérieure américaine musclée : « L’Amérique ne peut résoudre seule les problèmes du monde. Mais le monde ne peut résoudre aucun problème sans l’Amérique. » Une conception du multilatéralisme qui implique pour tout dirigeant états-unien que son pays assume un statut hégémonique sur les autres nations. C’est dans cet esprit que l’OTAN et ses membres doivent servir de supplétifs à l’armée américaine Notamment en Afghanistan où cet insoluble conflit risque de s’étendre dans un Pakistan déjà fortement déstabilisé, sous prétexte qu’« Oussama Ben Laden demeure le principal ennemi des États-Unis ».

« Engagement actif » au Proche-Orient

À de nombreuses reprises durant la campagne présidentielle, Barack Obama avait apporté son soutien à l’Etat hébreu, allant jusqu’à affirmer que Jérusalem est selon lui effectivement « la capitale éternelle » d’Israël. Force est de constater que les conseillers qu’Obama a choisis pour définir sa stratégie proche-orientale sont, souvent, des inconditionnels de la politique israélienne. À commencer par le secrétaire général de la Maison-Blanche, Emanuel Rahm, que le journal israélien Maariv appelle « notre homme à la Maison-Blanche ». Mais la nouvelle administration a modulé son discours en disant agir en faveur de la création d’un État palestinien viable à côté d’Israël. Le 11 janvier, Obama affirmait que « pour assurer un cessez-le-feu durable, les points de passage des frontières de la bande de Gaza devraient être ouverts pour permettre la circulation de l’aide humanitaire et du commerce, sous surveillance appropriée, avec une participation internationale et celle de l’Autorité palestinienne (...) » Mais « Une paix durable exige plus qu’un long cessez-le-feu, et c’est pour cette raison que je soutiendrai un engagement actif dans la mise en place de deux Etats vivant côte à côte en paix et en sécurité. » A suivre.

Retour au désarmement ?

Il est d’autres terrains sensibles où le discours présidentiel laisse espérer que les choses avanceront dans le bon sens. Mais là encore, non sans ambigüités. M. Obama a mis en avant sa volonté de « parler avec tout le monde, tout en maintenant ouvertes toutes les options », ce qui concerne aussi bien l’Iran que Cuba ou l’Amérique latine en général. Quant aux relations avec Moscou, la prudence affichée concernant l’installation d’un dispositif de missiles antimissiles aux frontières de la Russie peut conduire Obama à privilégier un nouveau partenariat avec Moscou. On sait que les Russes ont deux exigences fortes. D’abord le respect de l’engagement pris en 1991-1992 que les pays de l’ex-Union soviétique ne rentreront pas dans l’OTAN, à commencer par l’Ukraine et la Géorgie. Ensuite, le démantèlement des missiles antimissiles, que les États-Unis veulent installer en Pologne et donc chacun sait qu’ils ne sont pas tournés contre l’Iran, mais dirigés contre la Russie.

Plus généralement, on attend la conduite que tiendra la nouvelle administration en manière de désarmement. Répondant le 10 septembre dernier à la prestigieuse revue pacifiste états-unienne Arms Control Today, Barack Obama a développé ce qui ressemble fort à un virage stratégique dans la doctrine nucléaire américaine.

Certes, il n’est pas question que les États-Unis désarment unilatéralement, mais Obama « n’autorisera pas le développement de nouvelles armes nucléaires », par son pays. Et, ajoute-t-il, il fera « de l’élimination universelle de l’arme atomique un élément central de la politique nucléaire des États-Unis ». Le futur président a indiqué vouloir rechercher dans l’immédiat « la réduction véritable et vérifiable de toutes les armes nucléaires US et russes (…) » et travailler « avec d’autres puissances nucléaires pour réduire spectaculairement les stocks existant ».

S’engageant à faire ratifier par le Sénat le traité d’interdiction totale des essais nucléaires (TICE), Barack Obama a annoncé qu’il prendra la tête « d’une action mondiale pour négocier un traité d’arrêt de la production de matières fissiles à des fins militaires. » et pour construire « une nouvelle architecture de l’énergie nucléaire ». Et proposé la création « d’une banque internationale de combustible nucléaire à des fins pacifiques. »

« Ce que j’espère façonner, c’est une manière de dialoguer avec les gens qui ne sont pas comme vous, qui ne sont pas d’accord avec vous, pour changer le tempérament de notre politique » affirme Barack Obama. Le monde attend qu’il donne corps à ses proclamations d’intentions.



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